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Monday, June 29, 2020

« Pour une pause annuelle généralisée » - Journal La Croix

taritkar.blogspot.com

La pandémie du coronavirus, brutale, mondiale, est un incontestable malheur public avec son compte de souffrances, de morts, de menaces individuelles et collectives. Et cependant le terrible Covid-19 nous a valu quelques bénéfices, inégalement répartis dans la population. Certaines aspirations se faisaient jour auparavant : la sobriété heureuse, la décroissance, une moindre empreinte carbone, un revenu universel. N’avons-nous pas eu un peu de tout cela ? Cette pause involontaire a eu du bon.

→ ENTRETIEN. Bruno Latour : « Nous devons savoir à quoi nous tenons »

Sera-t-il possible à l’avenir de retrouver ces bénéfices tout en évitant des conséquences délétères sur notre économie et notre société. Rien ne sera plus comme avant, nous dit-on. Voire. Ou la croissance reprendra difficilement et absorbera nos énergies ou elle repartira et nous serons à nouveau emportés dans son rythme effréné.

Une proposition

Comment faire alors ? J’avance une proposition téméraire : une pause annuelle généralisée des activités. Un temps anniversaire de la pandémie qui comporterait moins de consommation, moins de déplacements, moins de travail, moins de pollution, moins d’événements.

Pourquoi ? D’abord pour faire mémoire de ce que le monde a vécu, des malades, des décès solitaires, des funérailles manquées, du dévouement des soignants. Pour faire aussi chaque année le point. Tirer la leçon de notre impréparation, réfléchir aux moyens dont nous disposons, aux métiers trop exposés. Plus généralement aux autres dangers qui nous menacent.

Pour mesurer ce qui a changé dans les relations parents-enfants, l’école, le travail, le lieu de vie, l’individuel et le communautaire. Pour revoir à frais nouveaux les limites de notre modèle de croissance, le partage des richesses, questions qui ne sont pas nouvelles mais que la crise a relancées. Surtout pour pratiquer pendant un temps donné un autre mode de vie en renouvelant le meilleur de ce que nous avons vécu pendant le confinement.

Cette proposition est-elle impossible à mettre en œuvre ? Rencontrerait-elle trop d’oppositions ? Par quels moyens, pour combien de temps ? Acceptons le principe. Réservons à plus tard la durée, les modalités, les mesures.

Quelques objections

Un tel changement est possible, nous l’avons vu (sous la contrainte, il est vrai, du virus). Notons aussi ce qui va déjà dans le sens d’une pause : le temps de repos hebdomadaire, les congés annuels payés, l’année sabbatique. Le président de la Conférence des évêques de France ne vient-il pas de suggérer au président de la république « sans doute en un rêve éveillé, qu’un dimanche par mois soit confiné dans notre pays. »

Il suffirait que chacun suive à sa guise un tel programme. Inutile de vouloir l’imposer à tous. Assurément, les comportements individuels sont à changer et il est bon que quelques « résistants » déterminés donnent l’exemple. Mais il ne faudrait pas qu’ils soient pénalisés. Les exigences éthiques rejoignent l’intérêt général. Un problème de la société doit être résolu par la société : un temps de pause nationale doit s’imposer à tous.

Il y a dans cette proposition un modèle religieux sous-jacent : le Carême chrétien ou le Ramadan musulman. Il s’agirait d’un temps civil sans référence religieuse mais il est possible de faire droit à des aspirations laïques ou spirituelles pour une vie plus resserrée autour de l’indispensable.

Dans notre société si mémorielle, il faudra laisser s’effacer le passé plus lointain et donner toute sa mesure à un puissant memento mori de ce qui sera l’événement majeur de ce début du XXIe siècle. Mais pas tout de suite. Dans un premier temps, il conviendra de réparer l’économie, de panser les plaies de la société. On l’a vu au XXe siècle, la véritable portée d’un événement grandit avec le temps.

Ou sinon quoi ?

Nous avons déjà vu combien les cris d’une enfant, les avertissements des experts se montrent insuffisants pour déclencher une véritable prise de conscience suivie d’un passage à l’action. Le caractère planétaire de l’épidémie doit nous ouvrir les yeux. Nous ne savons pas où nous allons mais nous y allons vite, et tous ensemble.

Les menaces qui pèsent sur notre vulnérable humanité ne méritent-elles pas un courage, une volonté, une solidarité, une nouveauté devant des perspectives annoncées, courtes et suicidaires ? Quelle honte il y aurait pour le genre humain, vieux de trois millions d’années, de ne pouvoir survivre à 200 ans d’un progrès industriel qu’il a lui-même généré !

La proposition d’une pause annuelle à instaurer progressivement dans notre course folle peut paraître une utopie. N’y aurait-il pas un plus grand risque à ne rien tenter ?




June 29, 2020 at 09:45PM
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